Mon recueil Mots de passe a té publié aux
éditions du Castor Astral en janvier 2014 . J’ai écrit les poèmes qui le
constituent au cours d’une période difficile de maladies et d’opérations .
J’ai pu ainsi vérifier in
viva que la pratique de la poésie, telle que je la comprends, apaise et fortifie , tout en
faisant mieux pénétrer, aussi, les mystérieux obstacles auxquels nous nous heurtons . Elle dit
une profonde attache à la terre,
dans ses aspects en
apparence les plus minimes, végétations, humbles animaux , minuscules parties
de notre corps,- comme dans les plus frappants, monuments, guerres, mystères ,
histoire à long terme . En quoi elle est faite de « mots de passe »
qui permettent de surmonter des enfermements, des désespoirs, tout en ne
cachant pas que la porte peut s’ouvrir sur une douleur ou une disparition. On
pourrait me dire que j’attribue à la poésie des rôles qui sont plutôt ceux de
la religion ou de la philosophie. Mais je suis fermement incroyante, et la
philosophie me semble trop souvent faire appel à la réflexion abstraite.
X
Comme un évanoui pourrait entendre des paroles
- mais lointaines, reliées
par des intermèdes : coups, musiques inattendues,
de même
je regarde à travers les
rideaux
s’effilocher quelques nuages sur la terre de printemps.
M’apparaît tout à coup la grande douceur du paysage
parsemé de vents légers,
d’eaux en ruisseaux
à travers lui aurait pu s’envoler
la colombe amaigrie par son séjour dans l’Arche
pour retrouver
avec amourier @wanadoo.fr animée par le ciel changeant.
Une sorte de bonheur
me traverse.
X
Tels, sous nos
pieds, les sols non travaillés par l’homme.
Tels ils nous
réconfortent, comme une rencontre du Très Ancien, garante de ce qui fut et
demeurera.
Nous passons sur
lui. Non comme le temps passe . Nous l’avons fabriqué, le temps.
Il est mince comme un solstice, à côté des millénaires de millénaires inhabités
par l’homme.
Avec quelle tendresse
pour la pleine terre, chaleureuse,
souple, meuble, génitrice de vers et d’insectes , nous foulons ce
pressentiment d’une préhistoire !
X
Le monde bat du coeur
systole diastole
ainsi ce paysage
on voudrait le tirer
vers un autre
règne : le voir caresser, s’ébrouer, grandir,
finalement gagner une
éminente dignité de bête.
x
Elles disent la mauvaise langue de la souffrance.
On se sent exclu de son trou :
un animal
par hasard supérieur, qui retrouve
des anxiétés d’insecte poursuivi, de souriceau
traqué.
Par dedans, ça bat et angoisse.
Des lettres pour quoi dire
sinon ce rendez-vous avec une douleur universelle
où rien n’est petit
sauf croire
s’en distinguer en la disant. ..
X
C’est chacun son tour de passer
sur la vie, la brève.
Les pays traversés, la multiplicité des ciels,
se heurtent, entrent l’un dans l’autre, disparaissent enfin,
et puis ? Est-ce qu’on
érige un temple pour si peu ?
Juste deux dates. Et encore . Du départ , de la fin .
-Et pourtant j’ai serré
contre le mien ton visage.
Et pourtant ce fut
bourré de joie comme une
crique aux fêtes de la mer
et pourtant ce fut
quelquefois torturé comme
certains bois morts.
Ce fut. Très fortement.
X
Aujourd’hui
j’ai planté
une fleur jaune vif
dans la jardinière du balcon
autour de nous
pour une minute
s’est arrondi
le monde entier
puis notre gloire est morte
parmi les cris d’autos
du moins cette seconde éclatante
brillera pour la fleur et moi
jusque dans les basses eaux de notre vie.
X
…
Tremblement presque immobile
de
l’insecte dans la corolle
battement
d’un monde
systole
diastole.
Nous aurons lentement vieilli dans le fragile
avec
ce paysage minime , qui s’ébroue
jusqu’à
faire naître
tout
l’univers autour de lui.
.
x
On marche
le cœur serré comme dans
la solitaire enfance.
La rue est vide
et blanche de soleil
mais derrière une grille,
le museau fripé d’un chien
souffle, se plisse entre
les barreaux,
et tout à coup vient un
peuple de petits dieux à sa suite :
fleurs des balcons,
ferronneries étranges .
Vivre n’est
jamais pauvre.
----------------
Emission de Radio-Luxembourg, Avril 2014, dialogue avec le poète Jean Portante:
http://www.100komma7.lu/files/7/11/250664_voix-d-auteurs.mp3
http://www.100komma7.lu/files/7/11/250664_voix-d-auteurs.mp3