mercredi 29 janvier 2014

Mots de passe









Mon recueil Mots de passe a té publié aux éditions du Castor Astral en janvier 2014 . J’ai écrit les poèmes qui le constituent au cours d’une période difficile de maladies et d’opérations .
J’ai pu ainsi vérifier  in viva que la pratique de la poésie, telle que je la comprends,  apaise et fortifie , tout en faisant mieux pénétrer, aussi, les mystérieux obstacles  auxquels nous nous heurtons . Elle dit une profonde attache à la terre,  dans ses aspects  en apparence les plus minimes, végétations, humbles animaux , minuscules parties de notre corps,- comme dans les plus frappants, monuments, guerres, mystères , histoire à long terme . En quoi elle est faite de « mots de passe » qui permettent de surmonter des enfermements, des désespoirs, tout en ne cachant pas que la porte peut s’ouvrir sur une douleur ou une disparition. On pourrait me dire que j’attribue à la poésie des rôles qui sont plutôt ceux de la religion ou de la philosophie. Mais je suis fermement incroyante, et la philosophie me semble trop souvent faire appel à la réflexion abstraite.




X





Comme un évanoui pourrait entendre des paroles
- mais lointaines, reliées
par des intermèdes : coups, musiques inattendues,

de même
 je regarde à travers les rideaux
s’effilocher quelques nuages sur la terre de printemps.

M’apparaît tout à coup la grande douceur du paysage
 parsemé de vents légers, d’eaux  en  ruisseaux

à travers lui aurait pu s’envoler
la colombe amaigrie par son séjour dans l’Arche
pour retrouver
avec amourier @wanadoo.fr animée par le ciel changeant.

Une sorte de bonheur  
me traverse.


X







Tels, sous nos pieds, les sols non travaillés par l’homme.

Tels ils nous réconfortent, comme une rencontre du Très Ancien, garante de ce qui fut et demeurera.
Nous passons sur lui.  Non  comme le temps passe . Nous l’avons fabriqué, le temps. Il est mince comme un solstice, à côté des millénaires de millénaires inhabités par l’homme.

Avec quelle tendresse pour la pleine terre, chaleureuse, souple, meuble, génitrice de vers et d’insectes , nous foulons ce pressentiment d’une  préhistoire !



X

Le monde bat du coeur
systole diastole
ainsi ce paysage

on voudrait le  tirer
vers un autre règne : le voir caresser, s’ébrouer, grandir,
finalement gagner une éminente dignité de bête.
x



Ah, les lignes tordues des « l » que je viens d’écrire.

Elles disent la mauvaise langue de la souffrance.

On se sent exclu de son trou :
un animal
par hasard supérieur, qui retrouve
des anxiétés d’insecte poursuivi, de souriceau traqué.

Par dedans, ça bat et angoisse.

Des lettres pour quoi dire
sinon ce rendez-vous avec une douleur universelle
où rien n’est petit 
sauf croire
s’en distinguer en la disant. ..



X



C’est chacun son tour de passer
sur la vie, la brève.

Les pays traversés, la multiplicité des ciels,
se heurtent, entrent l’un dans l’autre, disparaissent enfin,
et puis ?  Est-ce qu’on érige un temple pour si peu ?

Juste deux dates. Et encore . Du départ ,  de la fin .

-Et pourtant j’ai serré contre le mien ton visage.
Et pourtant ce fut
bourré de joie comme une crique aux fêtes de la mer

et pourtant ce fut
quelquefois torturé comme certains  bois morts.

Ce fut. Très fortement.


X

Aujourd’hui
j’ai planté
une fleur jaune vif
dans la jardinière du balcon

autour de nous
pour une minute
s’est arrondi
le monde entier

puis notre gloire est morte
parmi les cris d’autos

du moins cette seconde éclatante
brillera pour la fleur et moi
jusque dans les basses eaux de notre vie.


X

… Tremblement  presque immobile
de l’insecte dans la corolle

battement d’un monde

systole diastole.

Nous aurons lentement vieilli dans le fragile
avec ce paysage minime , qui s’ébroue
jusqu’à faire naître
tout l’univers autour de lui.
.

x


On marche
le cœur serré comme dans la solitaire enfance.

 La rue est  vide
et blanche de soleil

mais derrière une grille, le museau fripé d’un chien
souffle, se plisse entre les barreaux,
et tout à coup vient un peuple de petits dieux à sa suite :
fleurs des balcons, ferronneries étranges .

Vivre n’est jamais pauvre.



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Emission de Radio-Luxembourg, Avril 2014, dialogue avec le poète Jean Portante:
http://www.100komma7.lu/files/7/11/250664_voix-d-auteurs.mp3



dimanche 15 avril 2012

15 Avril 2012


 Journal d'Avril 2012
A propos de Violente Vie





En mars 2012, j’ai publié aux éditions du Castor Astral  le recueil Violente Vie, dont Marc Pessin a bien voulu honorer la couverture d’une gravure. Ce recueil comprend trois parties. La première, « Journal d’un jour », évoque les hauts et les bas du quotidien .


Parfois c’est la difficulté de vivre :


Soudain le paysage est annulé
par toute une rue sans voitures, luisante de pluie.
Des bicyclettes
 s'accotent à des murs
qui dorment      sous la Tour Eiffel lointaine,  coiffée de brume.


Tout s'éparpille.     On engrosse des ombres

on accroche séparément
des commémorations  sans  ordre.

- Je te parlerai plus tard.
Tu vois que je suis pleine d'eau tremblante.

Trop d'inconnu ce soir
 même   
 entre    toi et moi :

 l'heure inhabituelle

 des lieux dissemblables
en recel
dans chacun de nous.


et la difficulté , récurrente chez moi, de ne pouvoir connaître l’intérieur de notre corps, donc de n’être pas unis en nous-mêmes :

…A l'intérieur de nous, la réalité rend gorge
avec
reptations de tissus, réactions du cerveau.

Imprésentable  , le  dedans

des séquences      des zones
des éclatements çà et là.

Tout près d'imploser,
on se  retire

 à la fin   
on  laisse  les organes  
travailler, suinter, se débrouiller entre eux .


Même désaccord sur terre, entre les hommes :


En Angleterre   on voit les restes de ce grand mur triste
vieux de deux mille ans.

Ici les Romains ont arrêté leur avance
ils l'ont édifié, contre les invincibles Barbares au corps peint.

On hésite    Le gris confond
ciel et terre.

 Les pierres sont
presque indiscernables.

Mais  on les touche

et  le cœur a mal
d'autres murs      plus récents    à travers le monde.

Nulle part on ne sentirait aussi fort
qu'iI fait
partout
violemment antihomme parmi les hommes.

X

Pourtant nous sentons notre union avec l’univers, à travers ses choses les plus humbles :

Le caillou pauvre dans la main
fait partie
d'un être général

il a droit de falaise

il suffit pour dire
tout le rugueux, le dur de ce monde
et prend pouvoir
au creux de la paume
tendue comme pour un bonjour.

et  sa généralité :

parvenir où
sinon
dans   la terre    la terre qui va
mourir aussi?

Plus tard mourront
les planètes et les trous noirs.

Je suis pour dire
la non-destination     l'étroite peau
dans l'étroit décor

mais pour dire aussi

 l'énergie
son étrangeté
lumineuse.
célébrer    le regard vers les choses
l'enracinement de parole
dans les formes du monde

et la vie
provisoire .

X

La seconde partie du livre, « Figurations », transpose chez les peintres  ces hauts et bas de l’existence tels qu’ils les ont figurés , et aussi surmontés par leur art, frères des poètes à cet égard : tel le peintre de Vanités :

Hystéries cogneries cauchemars:
Scènes brutes  des capitales.

Mais silence
devant  un tableau:

la Mort joue du violon
et sourit , de ses dents sans bouche,
les os de sa main sur l'archet

face  au peintre
 qui  a conduit
de sa main charnelle
cette Vanité  du présent, du futur
.


et l’homme énigmatique de Philippe de Champaigne :


Hors cadre

Sa main droite dépasse la toile. Elle repose sur le cadre lisse du tableau. L'homme penche très légèrement son visage.
Mais son regard s'écarte du spectateur. On ne peut pas savoir s’il se dirige vers un lieu extérieur au tableau   ou s'il n’a pas d’autre projet que la méditation.

Il émane de ce portrait un grand calme et un grand mystère.

L'homme ne s'occupe pas de nous. Amical, mais solitaire, il nous abandonne pour mieux nous entraîner vers quoi - peut-être un renoncement aux choses de ce monde   peut-être une vision d'horreur   hommes contre hommes dans le déroulement infini de l'histoire?
Mais une horreur surmontée, convertie . Tout sur cette toile, et pas seulement la main, va au-delà d'elle.

X

La troisième partie, « Refus de refuser », s’approprie en poésie cette attitude devant le monde et la mort : surmonter l’appréhension de la mort proche, célébrer le vivant.


- Le plus grand des tourments ?

- Qu’un jour arrive
  tout  visage deviendrait
celui d’un inconnu.

Prisonniers
de même pas un rêve,
nous serions brume neutre,
plus seuls que seuls
 en marge
refusés
par le malheur même.

X


-Le bruit du cœur, combien obscur!
Guetté au pouls      le sourd ébranlement du sang,
naissances et morts  successives   dans la seconde.

Quelquefois  pourtant
la nuit
les yeux ouverts, nous sentons un flux et reflux heureux
nous traverser.

 Nous nous étonnons d'être
entièrement  baignés de vie, dans une mer commune aux hommes.
x
Aimer.

Ce sera un mot  sans suite.

Mais il aura été écrit, dans un moment lui-même ineffaçable du grand calendrier que nous ne connaissons pas.

X


Maintenant j'ai beaucoup de cercles dans mon corps, dit l'arbre.
   Le temps vient où ils seront exhibés, après sciage de  mon existence.
Les hommes compteront mes années.

      Pourtant ils les connaîtront moins que cette pierre nue, lentement entourée par mes racines: mon héritière dès aujourd’hui,  dans l'ordre secret de la terre.
x

Il était presque arrivé à la gare
quand le haut-parleur annonça:
va entrer une mer éclatante."

il s'élança
l'attrapa
se fondit en elle.
x

A la frontière  de ce qui peut se dire
mais de l'autre côté de la frontière
un homme
écrivait sa musique.



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mardi 10 janvier 2012

cerisy, septembre 2011

cerisy, septembre 2011



Béatrice BONHOMME, Aude PRÉTA-DE BEAUFORT et Jacques MOULIN,
Préface ......................................................................................................... Marie-Claire BANCQUART,
Poèmes ........................................................................................................ I. – OEUVRES CROISÉES
Marie-Claire BANCQUART, Ma collaboration avec Stello Bonhomme .......................................................
Stello BONHOMME, Corps à l’étal ...............................................................................................
Alain BANCQUART Musique/poésie soixante ans de création commune .......................................
II. – RELATION AU TEMPS
Béatrice BONHOMME, Marie-Claire Bancquart : L’énigme du temps...............................................
Aude PRÉTA-DE BEAUFORT, Écrire « en bel âge ». Qui voyage le soir : le De Senectute de Marie- Claire
Bancquart .........................................................................................
Gabrielle LANGLAIS
Égorger le temps pour prendre avance sur la mort. Le mouvement du temps chez Marie-Claire
Bancquart.......................................................................
III. – INSCRIPTION CHARNELLE ET COSMOLOGIQUE
Jacques MOULIN, Si charnus dans l’intraduisible .....................................................................
Arnaud VILLANI, Poésie et phénoménologie...............................................................................482 TABLE
DES MATIÈRES Karin HILPOLD
Perméables au mystère de l’être ......................................
Perméables au mystère de l’être ..................................................................... IV. – ONTOLOGIE DE L’ÊTRE
DU MONDE
Michaël BISHOP,
Arbres, oranges et oiseaux : maximum-minimum d’un « cela » qui irradie :
pour une ontologie bancquartienne ................................................................ Arnaud BEAUJEU,dentsIntensités
passagères dans Avec la mort, quartier d’orange entre les
dents de Marie-Claire Bancquart ............................................................... Maria Cristina PÎRVU
L’art d’écrire de Marie-Claire Bancquart. Pour une poétique du « fragment de ciel
»........................................................................................................
V. – BATTEMENT ENTRE LA VOIX ET LE SILENCE
Filomena IOOSS, La musique et l’ineffable ..............................................................................
Isabelle RAVIOLO,
Dire le corps « contre le silence des Dieux ». Marie-Claire Bancquart : une
poétique de la verticalité ............................................................................... Alexandre EYRIÈS
Marie-Claire Bancquart, dans le souffle du poème ....................................... VI. – LIEUX DE L’INCARNATION
Serge BOURJEA, L’animal, mon corps ...................................................................................
Marie JOQUEVIEL-BOURJEA, Marie-Claire Bancquart, la joie devant la chose ............................................
VII. – ACCOMPAGNEMENTS POÉTIQUES
Jacques DARRAS, « Ne pas en être tout à fait » ou l’art de s’abstraire de la musique du temps
Gérard NOIRET, Sept propositions plus ou moins longues à propos de Dans leGérard NOIRET, Sept propositions plus ou moins longues à propos de Dans le feuilletage de la terre
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TABLE DES MATIÈRES 483